dimanche 30 avril 2023
« Mme Verdurin, souffrant pour ses migraines de ne plus avoir de croissant à tremper dans son café au lait avait fini par obtenir de Cottard une ordonnance qui lui permit de s’en faire faire dans un certain restaurant […]. Cela avait été presque aussi difficile à obtenir des pouvoirs publics que la nomination d’un général. Elle reprit son premier croissant le matin où les journaux narraient le naufrage du Lusitania. Tout en trempant le croissant dans le café au lait, et donnant des pichenettes à son journal pour qu’il pût se tenir grand ouvert sans qu’elle eût besoin de détourner son autre main des trempettes, elle disait : « Quelle horreur ! Cela dépasse en horreur les plus affreuses tragédies. » Mais la mort de tous ces noyés ne devait lui apparaître que réduite au milliardième, car tout en faisant, la bouche pleine, ces réflexions désolées, l’air qui surnageait sur sa figure, amené là probablement par la saveur du croissant, si précieux contre la migraine, était plutôt celui d’une douce satisfaction. »
(Marcel Proust, À la Recherche du temps perdu, Le temps retrouvé)
samedi 29 avril 2023
jeudi 27 avril 2023
Quérulence et quérulent
Un ami m'interrogeant au sujet de ces mots , je lui réponds par mes dictionnaires :
A. Extraits du Grand Robert :
Quérulence n.f. (Psychiatrie) Tendance pathologique à rechercher les querelles, à revendiquer d 'une manière hors de proportion avec la cause, la réparation d' un préjudice subi, réel ou imaginaire.
« La quérulence des processifs, de certains hypocondriaques. »
Quérulent. Adj.et n. (Psychiatrie) Qui montre de la quérulence. « Réactions quérulentes épisodiques de certains excités querelleurs ». N. Une quérulente. « Les quérulents se recrutent surtout ches les revendicateurs. »
B. Antoine Porot, Manuel alphabétique de psychiatrie clinique et thérapeutique, PUF.
Quérulence.
La quérulence est une réaction hostile et revendicatrice de certains sujets qui se croient lésés et
considèrent qu' il y a sous-estimation dans l'appréciation du préjudice causé ; de ce fait, ils passent
facilement de la plainte à l'attaque, soit directement, soit en justice.
Les quérulents se recrutent volontiers parmi les excités constitutionnels querelleurs, mais surtout
(ce qui n'est parfois qu' un stade plus avancé) parmi les revendicateurs dont ils constituent le type
clinique le plus démonstratif comme aussi le plus fréquent.
Dans le premier cas, les réactions quérulentes sont plus variées, plus épisodiques, moins
systématiques que dans le second ; dans ce dernier cas, on peut individualiser plusieurs formes :
a) Dans la forme processive (manie processive, folie processive, délire des persécuteurs processifs,
paranoïa querulens des auteurs allemands), le sujet oriente tous les actes de sa vie vers la réparation
du préjudice subi, intente des procès à ses adversaires, est rebelle à toute conciliation. Perd-il, il conteste l'équité des juges dont il dénonce la corruption, la sincérité des témoins, la mauvaise foi de la partie opposée (sans reconnaître la sienne propre). Il mutiplie les appels, enfle ses dossiers où s'accumulent invectives et calomnies, refuse de se soumettre aux décisions des tribunaux, s'opposant parfois avec violence aux décisions des huissiers (délires raisonnants de dépossession de Régis).
b) Chez certains anxieux déprimés, la quérulence se manifeste dangereusement pour ceux qui leur donnent des soins.
Les hypocondriaques persécuteurs sont souvent des préoccupés de la région abdominale et tout spécialement de la sphère anogénitale (….), dont les troubles plus ou moins réels, mais chroniques, sont peu ou pas influençables par les thérapeutiques qu'ils exigent cependant du médecin dont ils assiègent les consultations. Ils rendent le praticien responsable de leurs mécomptes, attribuant ceux-ci à la négligence, à l'indifférence, à la malveillance, l'accusant de spéculer sur leur mal, de l' aggraver sciemment et, parfois, ils l'attaquent en dommages-intérêts devant la Justice. (…)
Charles Bardenat *
*Médecin des Hôpitaux psychiatriques (Nantes).
P.-S. Le 1er mai, dans les rues françaises, il y aura, à côté de nombreux inquiets concernant la retraite, un nombre non négligeable de quérulents.
Je ne manifesterai pas, n'ayant d'ailleurs jamais manifesté dans les rues. Je me borne à voter.
mercredi 26 avril 2023
mardi 25 avril 2023
RDV médicaux ratés.
Depuis quelque temps, on entend parler d'un problème pour les médecins, outre le montant des consultations : les patients qui ne viennent pas au RDV qu'on leur avait fixé. De ma vie, je précise, que je n'ai jamais raté un seul rendez-vous médical.
Certes , un de mes spécialistes, submergé de patients, a mis une affiche dans sa salle d'attente,
annonçant aux patients qui ne viendraient pas au rendez-vous fixé qu'ils ne feraient plus partie de sa
patientèle . Beaucoup hésitent, je crois, à prendre une mesure aussi drastique.
Devant ce problème, j'étais assez perplexe jusqu'à ce jour. Une certaine lumière vient de se faire incidemment pour moi. J'avais pris un RDV dans un cabinet para-médical. La secrétaire m'avait demandé mon numéro de portable . Je l'avais donné, pensant que cela permetttrait de me contacter pour me dire que, le cas échant échéant, le RDV était annulé. Pas du tout !
Un signal sonore sur mon portable m'avertit ce mardi qu'un message vient de m'être adressé. Je lis ce message. Il émane du secrétariat du cabinet paramédical qui me rappelle que demain à telle heure j'ai un RDV dans ce cabinet.
Il me semble que tous les cabinets médicaux français devraient pratiquer ainsi : demander en accordant un RDV le numéro de téléphone du patient et lui rappeler par message la veille l'heure de son RDV.
Si la pratique était généralisée, les chiffres de RDV ratés, à mon humble avis, baisseraient grandement.
lundi 24 avril 2023
LE FRONT NATIONAL.
Onze lecteurs du « Parisien/Aujourd'hui en France) ont posé toutes les questions qu'ils ont voulues
au Président Macron ce lundi 24 avril. Ces propos publiés sur quatre pleines pages abordent un grand nombre de sujets. Tous les commentaires que j'ai pu entendre à la télé comme à la radio n'ont pas relevé quelques mots que je tiens à relever pour ma part. Les voici : « Le Front national que je continue à appeler comme tel... ». Le chef de l'Etat ne donne pas ses raisons de parler ainsi.
Or, il se trouve que je continue , moi aussi, à appeler ce parti « Front national » dans mes conversations politiques. Plusieurs fois, on a voulu me corrriger en me faisant remarquer que j'ignorais le nouveau nom dudit parti. Je ne l'ignorais nullement. En revanche j'ignore les raisons du président.Voici les miennes.
La fille ayant succédé au père, elle a notamment souhaité donner à son parti une meilleure image.On la comprend un peu. Le Front national s'était en effet discrédité. Chacun se souvient d'abord des propos honteusement antisémites du père : C'est évidemment le pire de ce parti. D'autres taches étaient aussi à gommer ou à ripoliner. Un racisme à très large spectre . Des rencontres avec divers leaders d'extrême extrême droite, voire néo-nazis européens.
En changeant de nom, on a voulu tromper les électeurs français. Et on a merveilleusment réussi. Même si plusieurs observateurs politiques patentés, avec un bel ensemble, nous annoncent à l'envi que jamais Mme Le Pen ne pourra devenir chef(fe) de l'Etat, tous les chiffres nous indiquent une progression constante de cette formation au point que nul n'imagine Mme Le Pen absente du second tour. Enfin , à l'heure actuelle, hélas, cent fois hélas, nul ne voit qui pourrait la battre.
Toujours est-il que je continuerai , comme le président Macron , à parler de Front national, autrement dit d'un parti qui a eu honte de ses débuts, de son ADN, de ses caractères constitutifs, mais qui demeure, en prenant divers masques, à être un incontestable parti d' extrême droite.
dimanche 23 avril 2023
L’idéal porté par les Frères musulmans est celui d’une théocratie. Alors que le sujet s’installe au sein de l’opinion publique, il devient crucial d’en connaître le fonctionnement et les objectifs. L’enquête conduite par Florence Bergeaud-Blackler permet de prendre conscience de l’importance d’un phénomène souvent mal cerné et des liens tentaculaires tissés en Europe.
Florence Bergeaud-Blackler est anthropologue, chargée de recherche au CNRS (HDR) au groupe sociétés, religions, laïcité à l’École pratique des hautes études. Elle publie “Le frérisme et ses réseaux, l’enquête”, aux éditions Odile Jacob.
L’organisation des Frères musulmans créée en 1928 en Égypte est aujourd’hui largement présente en Europe. Qu’est-ce que le « frérisme » ? Est-ce une théologie, une doctrine, un mouvement ou une revanche sur la modernité ?
Le frérisme n’est à mes yeux ni un courant théologique, ni une école juridique, mais un mouvement politico-religieux qui s’est donné pour mission d’organiser la marche de tous les musulmans vers un même objectif : l’instauration de la société islamique mondiale.
Je définis le frérisme comme un « système d’action » qui tente de piloter, depuis « le milieu », les différentes composantes théologiques et juridiques de l’islam, des versions les plus libérales aux plus littéralistes en passant par le soufisme, dans le but d’accomplir la prophétie ultime.
En quoi consiste la prophétie califale ? Dans quel contexte la confrérie des Frères musulmans est-elle née ? Quels étaient ses objectifs ?
« On ne comprend pas des phénomènes aussi complexes et étendus que le marché halal mondialisé ou le voilement des femmes sur tous les continents si on perd de vue son plan, sa vision du monde, le fait que le frérisme soit axé sur la mission. »
Il ne s’agit pas de créer un Etat islamique à l’image de Raqqa, mais d’instaurer la société islamique moderne mondiale et mondialisé. Le projet frériste a vu le jour en Europe et aux Etats-Unis à partir des années 1960 par les étudiants islamistes exilés, qui avait toute latitude en démocratie pour penser une forme d’islamisme mondialisée et conquérante adaptée au monde non-musulman.
Les trois dimensions du frérisme, qui ont pour méthodes la ruse, la perversion, la manipulation et la subversion plutôt que la guerre frontale sont ce que j’appelle le triptyque de la Vision, l’Identité, le Plan. Ils partagent une vision du monde et une identité transnationale qui traversent les frontières culturelles, ethniques, raciales. Mais la dimension la plus importante à souligner est celle du Plan. C’est aussi celle qui a été la plus occultée par les observateurs alors qu’elle est essentielle pour comprendre la façon dont les normes islamiques se combinent au monde moderne, et selon quels principes fondamentaux elles évoluent et s’adaptent continument à son évolution. On a fait l’erreur de réduire le mouvement islamiste à une idéologie politique temporelle alors qu’elle est politico-religieuse et, à ce titre, englobe le terrestre et le supra-terrestre, prévoit une fin du monde, un jugement dernier, et un système de compte des actions comme les indulgences catholiques, mais individuelle et collective.
On ne comprend pas des phénomènes aussi complexes et étendus que le marché halal mondialisé ou le voilement des femmes sur tous les continents si on perd de vue son plan, sa vision du monde, le fait que le frérisme soit axé sur la mission. Au fil d’un temps long les Frères agissent par plans successifs, et concentrent dans leurs actions une énergie formidable car ils n’ont pas à s’interroger sur les fondements de l’existence ni sur la question du salut, c’est réglé. Tout est dans le Coran et la Tradition et rien que dans cela. Dieu s’est déjà exprimé, il n’y a qu’à découvrir ce qui est déjà révélé aux moyens des sciences humaines pour recouvrir la puissance et ainsi vaincre l’Occident. C’est ce que les Frères appellent l’« islamisation de la connaissance » qui peut emprunter tous les chemins scientifiques dès lors qu’ils sont bornés par la vérité divine révélée. Penser hors de ce cadre est interdit, haram, hérétique. Penser dans ce cadre est une mission et comme toute action recommandée la possibilité d’échapper aux flammes de l’enfer (dont la menace est agitée en permanence) et de goûter au repos et aux délices du paradis. Ces croyances cohabitent très bien avec un bon niveau scientifique et technologique, ce qui m’a beaucoup déroutée au début.
Les revendications des Frères musulmans sont-elles explicitement écrites dans le Coran ? Le frérisme est-il un arrangement particulier de la compréhension des textes ?
Les Frères musulmans s’appuient sur des sourates coraniques et sur la tradition musulmane (Sunna) qui rassemble les faits et dires du prophète (hadiths) plus ou moins authentifiés. Ces hadiths sont rapportés par une chaine de rapporteurs, appelée isnad, par laquelle on mesure la force ou la faiblesse de leur contenu. Toute interprétation est un arrangement particulier de la compréhension du texte. Disons que les Frères musulmans sont des salafis, des fondamentalistes qui ont une approche littéraliste du texte. Mais ce qui importe pour eux et qui guide leur exégèse c’est la finalité califale, et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. L’islam doit advenir partout, il est guidé pour cela.
Le frérisme entend ainsi susciter un grand mouvement religieux planétaire dont la finalité serait le califat par les moyens de l’islam. Comment agit-il ? Quelles sont ses structures et ses modes opératoires ?
La doctrine fondamentale du frérisme est la wasatiyya (l’islam du juste milieu) un terme repris et élaboré par Youssef Qaradawî et inspiré par Hassan el Bannafondateur de la confrérie des Frères musulmans en 1928. Qaradawî que l’on a considéré, à tort, comme un personnage grossier et inculte est le grand idéologue du frérisme qu’il nomme « mouvement islamique » dans un plan visionnaire pour les trente prochaines années paru en 1990, plan que j’analyse dans mon ouvrage et qui s’est largement réalisé. Un autre personnage influent du frérisme est Abu A’la Mawdoudi un penseur d’origine indienne qui est l’ingénieur du système-islam et le père de l’« islamisation de la connaissance ». Pour l’auteur d’une bonne centaine d’ouvrages sur la question, tout est dans l’islam, en synergie, et rien n’est à rechercher en dehors.
Les Frères musulmans ont choisi l’Europe comme terre d’élection. Vous évoquez le concept de « l’euro-islam » proposé par les Frères musulmans. S’agit-il d’adapter l’islam à l’Europe ou l’Europe à l’islam ?
« La lutte contre l’islamophobie structurelle est un formidable outil de propagande : on présente toute mesure visant à sanctionner les pratiques musulmanes jugées non conformes aux valeurs (comme le voile) comme une mesure islamophobe et discriminatoire. Peu à peu la société devient charia-compatible. »
L’Euro-islam est une formule qui a été reprise par les Frères. Initialement forgée par l’universitaire allemand d’origine syrienne Bassam Tibi, l’euro-islam devait conduire à un islam réformé et adapté au contexte européen via un renouvellement de l’interprétation des textes passés. Il préconisait de retirer la charia et le jihad de l’enseignement islamique en Europe en raison de leur non-conformité aux principes fondamentaux de la démocratie, de la liberté d’expression et des droits de l’homme. À l’inverse, les Frères entendent réformer non pas l’islam, mais le regard européen sur l’islam.
Pour y parvenir les Frères ont travaillé et généralisé le concept d’islamophobie structurelle qui avait été suggéré par le Runnymede Trust dans un rapport publié en 1997. Cette organisation britannique inspirée par le mouvement américain des droits civiques, fondée en 1968 pour lutter contre la discrimination raciale et promouvoir le multiculturalisme a publié le premier rapport sur l’islamophobie et proposé des solutions pour habituer la société européenne à la présence de l’islam.
La lutte contre l’islamophobie structurelle est un formidable outil de propagande. Cela fonctionne ainsi : on présente toute mesure visant à sanctionner les pratiques musulmanes jugées non conformes aux valeurs (comme le voile) comme une mesure islamophobe et discriminatoire. On fait passer la consommation et les conduites halal comme des obligations incontournables et non négociables. Peu à peu la société devient charia-compatible. C’est essentiellement ainsi que le frérisme du XXIe se déploie.
Pourquoi les valeurs européennes constituent-elles le substrat idéal pour l’implantation du frérisme ? Les Frères musulmans sont-ils financés par l’Union européenne et à quelle hauteur ?
Le frérisme s’est développé en deux temps. Les Frères canal historique (première génération) se sont d’abord présentés devant les institutions européennes qui cherchaient des interlocuteurs pour faciliter l’intégration européennes, comme représentants des musulmans d’Europe grâce aux maillages de mosquées et centres islamiques qu’ils avaient effectués dans chaque pays européen.
Dans un second temps, c’est la génération réislamisée qui a pris les manettes en se présentant sous les couleurs bleues étoilées des politiques européennes dites inclusives et anti-racistes, obtenant ainsi les financements des institutions de l’Union Européenne à Bruxelles et le Conseil de l’Europe. Chacun se souvient de cette campagne du Conseil de l’Europe financée par l’UE qui vantait les mérites du voile islamique. Cette campagne lancée depuis la division anti-discrimination et inclusion du Conseil de l’Europe, mettait en scène des visages de femmes dont la moitié était voilée et l’autre non, où le mot « hidjab » était associé à des mots comme « beauté », « liberté », « joie ». Ces messages provenaient de ces jeunes influenceurs fréristes qui ont profité des financements et des facilités accordées aux jeunes européens pour lutter contre les discriminations et contre le racisme. En l’espèce plusieurs associations fréristes avaient utilisé une boîte à outil mise à disposition par le COE et conçue pour aider les jeunes européens à lutter contre « les discours de haine » en leur fournissant la logistique et les moyens d’exercer leur lobbying par des séminaires thématiques ou en organisant des campagnes de communication. Le frérisme est pourtant un système discriminant, suprémaciste et prosélyte, mais quand il vient chercher de l’argent et de la légitimité il sait le dissimuler, c’est licite.
N’importe quel message peut passer s’il est accompagné d’images ou de mots positifs. Il ne faut pas se méprendre, ni l’UE ni le COE ne font la propagande directe du frérisme, mais ils en donnent à qui veut les moyens, au nom de l’idéologie inclusive. Le micro-climat bruxellois où l’on vit entourés de 25 000 lobbyistes dans une région (Bruxelles capitale) et où les partis politiques locaux ne peuvent garder le pouvoir sans l’assentiment d’une population musulmane contrôlée par les Frères est favorable à l’entrisme frériste.
Le frérisme est-il le produit de l’immigration ou de la mondialisation ?
Le frérisme est un produit de la mondialisation, ses racines « revivalistes » datent de la période coloniale, et notamment du XIXe quand le califat turc est menacé. Le frérisme est une réaction à la colonisation qui elle-même est née de la mondialisation. C’est elle qui a favorisé les mouvements de population donc l’immigration. Bien entendu l’accroissement récent des flux migratoires d’origine musulmane vers l’Europe apporte une certaine puissance au frérisme qui peut compter sur une démographie favorable.
Le projet des Frères musulmans est-il compatible avec la République ? Comment ont-ils prospéré au sein des démocraties sécularisées ?
Il l’est d’une république islamique pas d’une république laïque ! Le Frérisme est un mouvement théocratique qui devra à terme se débarrasser de la démocratie. Pour le moment il s’en accommode tactiquement tant que l’Europe est terre de contrat, mais à terme cette terre de contrat doit devenir islamique, avec sa majorité musulmane et ses minorités religieuses autorisées appelées dhimmis.
En quoi consiste l’organisation de la coopération islamique (OCI) ? Pourquoi entre-t-elle en conflit avec la déclaration universelle des droits de l’homme ?
La déclaration des droits de l’Homme en Islam dite déclaration du Caire (1990) par l’Organisation de la coopération islamique, affirme la supériorité de l’homme sur la femme, déclare l’égalité des femmes et des hommes seulement en dignité, en devoir et en responsabilité, mais pas « en droit ». Elle limite la liberté d’expression : Tous les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration sont soumis aux dispositions de la charia. Son préambule suprémaciste souligne le rôle civilisateur de l’Umma réunie et son rôle de guide pour l’humanité :
« Le rôle civilisateur et historique de la Ummah islamique, dont Dieu a fait la meilleure Communauté ; qui a légué à l’humanité une civilisation universelle et équilibrée, conciliant la vie ici-bas et l’Au-delà, la science et la foi ; une communauté dont on attend aujourd’hui qu’elle éclaire la voie de l’humanité, tiraillée entre tant de courants de pensées et d’idéologies antagonistes, et apporte des solutions aux problèmes chroniques de la civilisation matérialiste. »
Pourquoi certains partis politiques en France et en Europe perçoivent-t-ils dans le « frérisme » un modèle d’émancipation du capitalisme ?
Parce qu’ils sont ignorant des dynamiques normatives du marché halal, auxquelles j’ai consacré mon précédent livre. J’ai montré que le néofondamentalisme islamique se combine très bien au néolibéralisme pour généraliser une norme islamique moderne et séparatiste.
Vous concluez avec justesse que le contexte européen du XXe siècle a participé à « banaliser le mal », suscitant le désir d’un retour des religions morales, qui présentent une claire distinction entre le bien et le mal ainsi qu’une explication à leur existence. Pourquoi cette mise en avant des religions du Livre s’est-elle traduite par un unique essor de l’islam et non de la chrétienté ?
Je pense que l’islam sous la poussée du frérisme ouvre le chemin à d’autres expressions intégralistes, chrétiennes et juives qui ne vont pas tarder à revendiquer leur droit à gouverner la cité. La question de la chrétienté est différente de celle du christianisme. La chrétienté c’est la civilisation qui s’est combinée au cours des siècles aux expressions culturelles. L’Europe procède de la chrétienté, ses racines sont judéo-chrétiennes et il serait catastrophique d’effacer cette histoire. Non pas tant parce que cela laisserait la place à l’islam ou à l’anomie, mais parce que ce serait favorable aux religions de la sainte ignorance, ces religions morales, fondamentalistes, hors sol, dogmatiques intégralistes qui poussent sur des déserts intellectuels, celles du Livre mais aussi le wokisme.
Est-il possible de contrer l’influence du frérisme en Europe ?
La première des étapes est de comprendre ses ressorts, son histoire, son fonctionnement, c’est ce que j’ai essayé de montrer dans cet ouvrage.
vendredi 21 avril 2023
Editeur menteur.
Sur une grande radio commerciale vivant de publicité, j'entends régulièrement une pub pour je ne sais quel titre de je ne sais quel auteur et la pub se termine par « Numéro un des ventes dès sa parution ».
Menteur, menteur, menteur ! On espère que les auditeurs vont aller acheter le livre comme des moutons ? En tout cas, Monsieur le menteur, je n'irai pas acheter ça.
jeudi 20 avril 2023
Les charmes (discrets) de la démocratie représentative.
En voiture, j'entends à la radio ceci : Le président Madron visitait une école en France, des employés d 'une compagnie d'électricité ont coupé le courant dans cette école.
Je laisse imaginer ce qui serait arrivé à des employés exerçant le même métier, s'ils avaient voulu jouer ce tour au président russe ou ou président chinois.
mercredi 19 avril 2023
Prédiction politique
Sur son blog politique, Maxime Tandonnet écrit notamment :
« De son côté, Mme le Pen vient d’annoncer sa candidature pour 2027 je suis la candidate naturelle de mon camp. Elle se prépare donc, plus de quatre ans à l’avance, à son vraisemblable quatrième échec consécutif… et le neuvième de la dynastie. »
C’est une manière de prédiction. Pour ma part, je fais la prédiction inverse. Je ne vois , hélas, mille fois hélas, absolument personne pui puisse la battre au second tour de la prochaine présidentielle.
mardi 18 avril 2023
Pourquoi le « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes », de
Roussseau est-il si mince ?
C'est très simple : Rousseau a écrit ce livre pour participer au concours organisé par l'Académie de Dijon, qui avait proposé ce sujet aux candidats en précisant ceci : « Il ne faut pas que la lecture excède trois quarts d'heure. »
Rousseau a écrit des livres beaucoup plus volumineux, qui n'ont été limités par aucune académie.
dimanche 16 avril 2023
POURQUOI JE NE MANIFESTE JAMAIS.
Toute ma vie j'ai entendu parler de manifestations. Et toute me vie j'ai refusé de participer à ces manifestations. Pour quelles raisons ?
Ma raison principale tout d'abord. Nous ne vivons ni dans un régime totalitaire, ni dans une dictature, ni dans une tyrannie, même pas dans un régime à parti unique comme on en trouvepar exemple dans plusieurs pays africains, mais nous vivons dans une vraie docratie représentative. A la présidentielle, aux législatives ,aux municipales...le citoyen a le droit de vote et le choix entre plusieurs candidats. Le vote est entouré des plus grandes garanties : présence dans chaque bureau de vote de représentants des candidats, dépouillement des bulletins de vote par des représentants de chaque candidat quatre par table, vote secret dans un isoloir, contrôle de l'identité et de l'inscription sur la liste électorale de chaque électeur...Dans ces excellentes conditions démocratiques, je vote à toutes les élections sans exceptiion. Ceux qui ne votent pas sont mal venus de venir se plaindre dans les rues après leur abstention.Et quand je suis mécontent du candidat que j'avais préféré, je ne vote plus pour lui la fois d'après, mais pour celui qui me semble mieux répondre à mes souhaits.
Ma deuxième raison est le déroulement fréquent de ces manifestations. Presque toujours, à Paris et dans beaucoup de grandes villes ce déroulement me semble très désagréable (le mot est faible).Caillassage des fonctionnaires de police ou des gendarmes (avec parfois un grand nombre de blessés) , comportements incendiaires (voitures, mobilier urbain...), vitrines cassées et parfois pillées. Je me vois mal caillasser, incendier, briser, piller..et même hurler trois heures avec des calicots ,des pétards et des fumigènes.
Bref, la démocratie représentative a certes des inconvénients, mais tous les autres systèmes politiques sont pires et parfois bien pires.
Langue française.
Je suis heureux de faire la connaissance de quelqu'un de très intelligent, très instruit, pensant beaucoup et bien, parlant on ne peut mieux. Ce n'est pas si fréquent. Nous parlons politique.
A propos d'une personnalité politique très connue , il me dit que depuis des mois elle a été
« stratégique ». Non, non, non, elle n'a pas été stratégique, mais « bon stratège » ou « stratège ».
Pourquoi donc ? Parce que « stratégique » ne s'emploie pas en parlant d'une personne. Exemples
d'emplois : objectif stratégique.Position stratégique. Manoeuvres stratégiques, etc.
vendredi 14 avril 2023
Les Juifs persécutés étaient-ils coupables ?
J'ai de vieux et fidèles amis et j'ai des amis plus récents. Celui dont je vais parler n'est pas mon ami. J'ai toutefois eu plusieurs conversations avec lui et je peux en dire ceci. Il me paraît intelligent, cultivé, modéré, ouvert et tout sauf extrémiste.Dans une récente conversation, j'ai voulu parler d'antisémitisme. Il me laissa parler et crut pouvoir m'objecter ceci :
« Il est quand même étrange que les Juifs aient été persécutés depuis tant de siècles : il doit y avoir des raisons. »
Je lui ai répondu assez brièvement, car il devait partir, mais , si j'avais eu le temps, je lui aurais répondu plus longuement ceci :
Il existe plusieurs livres qui instruisent sur l'histoire de l'antisémitisme, vous devriez en lire un pour y voir plus clair.
Je crains de comprendre, dans ce que vous dites que les Juifs auraient été responsables (coupables!) des persécutions qu'ils ont subies au fil des siècles. Si telle est bien votre pensée, je veux absolument vous détromper.
J'imagine que vous ne songiez pas au sommet de l'antisémitisme que fut l'abominable nazisme.
Vous songiez aux autres persécutions. Voyons-les. La plus évidente, et qui dure toujours, est l'antisémitisme, qui depuis l'apparition de la religion musulmane, prend sa source dans le Coran. Ce livre qui, d'après ses adeptes, serait inspiré par Allah, contient notamment une foule d'injures, d'horreurs et d'abominationsdont les juifs sont la cible. La conséquence est que les Juifs, dans tous les pays où la religion musulmane est majoritaire ou parfois seulement présente, ont subi des persécutions. En quoi les juifs seraient-ils responsables (ou coupables) de ces persécutions ? C'est en 2023 le principal antisémitisme.
Le deuxIème antisémitisme, bien moins virulent de nos jours, des siècles durant a sévi dans des pays majoritairement chrétiens. N'oublions pas son origine. Si la religion juive est un monothéisme strict , force est bien de convenir qu'il n'en fut pas de même dans le christianisme. Pour les chrétiens depuis les premiers siècles et pendant tout le Moyen Age, Jésus (la « sainte Trinité » !) est « fils de Dieu », mais aussi une sorte de Dieu. Des chrétiens ont donc accusé les Juifs d'être « déicides », pour avoir « laissé faire » la mise en croix de Jésus!Plusieurs remarques. La chaise électrique et la guillotine n'existaient pas, et la mise en croix était extrêmement fréquente en ces temps-là (pensez à Spartacus et à tous les gladiateurs révoltés qui furent aussi crucifiés). Dans l'esprit de la religion juive, Jésus n'était qu'un homme. Ce ne sont pas des religieux juifs qui ont décidé sa mise à mort. Ces griefs ne riment donc à rien. Ils ont pourtant nui aux Juifs pendant des siècles et des siècles. Dans cet antisémitisme-là, une fois encore, les Juifs n'ont absolument pas été responsables (ou coupables) des persécutions qu'ils ont subies.
Pour conclure, s'il y a bien des raisons pour expliquer les persécutions qu'ont subies les juifs, elles sont à chercher dans les très mauvaises raisons de leurs persécuteurs chrétiens nazis ou musulmans.
jeudi 13 avril 2023
COMMENTAIRE SUR LE BLOG DE PHILIPPE bILGER;
Racisme ou justice ? Justice !
J'ai lu dans le « JDD »qu'achète mon meilleur ami, avocat, et à qui j'en ai parlé l'article sur Pierre Brochand qui a servi de soubassement à votre texte. Vous citez notamment « Le chantage au racisme est commode. Après, on peut tout dire. »Vous dites que c'est une « remarqe pertinente ». Vous ne citez pas , mais je citerai de Brochand « La sentence de mort est l'accusation de racisme ». Je souhaite répondre à Brochand, comme à vous.
Votre blog a pour nom « Justice au Singulier ». « Justice » : beau mot ! Justice ou racisme ? Justice ! Dans notre pays, la justice est rendue grosso modo fort bien. Bien des gens s'en plaignent. Pas moi.
Ce n'est pas à vous qui avez été avocat général, ni à sbriglia, ni à genau, que j'apprendrai comment la justice fonctionne,
J'observe que l'on met en cause, que l'on instruit, que l'on juge, après avoir entendu les témoins, le parquet, les avocats. Mais juge-t-on mille personnes , un million de perssonnes, un milliard de personnes à la fois ? Non. Une seule personne, après avoir examiné avec soin son dossier.
Tous les racistes du monde entier (il y a en de toutes les couleurs, de toutes les cultures, de tous les pays) ne suivent pas du tout l'excellent exemple de la justice. Ils se permettent de juger un million ou un milliard de personnes à la fois. Le racisme est une erreur de pensée, une injustice. Il consiste à attribuer, dès sa naissance !, à quelqu'un les défauts supposés du groupe auquel il est censé appartenir.
J'ai été prof de français jusqu'à 65 ans. Mon auteur favori est La Fontaine. Pour le sujet qui m'occupe, la relecture à laquelle j'invite chacun est «Le loup et l'agneau », merveille des merveilles. Pour qui me dira ne pas avoir le temps de la chercher ,je ne citerai que la fin :
« Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
-Comment l'aurais-je fait, si, je ,n'étais pas né ?
Reprit l'agneau, je tète encor ma mère.
-Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
-Je n'en ai point.- C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous , vos bergers et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge. »
Là-dessus au fond des forêts
Le loup l''emporte, et puis le mange
Sans autre forme de procès."
Le dernier mot n'est pas le moins important. Car dans un procès, il s'agit pour le juge d'être juste. Et ne jamais penser et agir, en raciste, coimme le loup (« Si ce n'est toi c'est donc ton frère. »)
mardi 11 avril 2023
lundi 10 avril 2023
dimanche 9 avril 2023
RWANDA.
Quelqu'un que je connais très bien et à qui j'ai souvent parlé me pose une question, par le canal de Facebook. Sachant que j'ai travaillé au Rwanda, il m'envoie une vidéo en me demandant mon avis.
Dans cette vidéo, on entend un spécialiste, qui a écrit un livre sur le Rwanda, et il développe ses thèses sur le génocide rwandais qui se déroula pendant trois mois. J'ai bien écouté cette vidéo et je lui réponds ceci :
Le gouvernement actuel du Rwanda soutient que l'avion du président hutu d'alors a été abattu par
des Hutus extrémistes pour pourvoir programmer le génocide que l'on sait. L'expert prouve qu'il n'en est rien et que le TPI a réuni tous les témoignages les plus sérieux montrant qu'il n'en est rien.
Ce sont bien des Tutsis qui ont détruit l'avion en plein vol. Je partage cet avis.
En revanche, quand il répète trois ou quatre fois dans la vidéo que le génocide a été « spontané », je ne suis pas d'accord. Il n'y a eu aucune spontanéité. Des dirigeants ont organisé des milices et fixé chaque jour des objectifs pour dire qui on allait massacrer, souvent à la machette, de telle heure à telle heure. La radio des Mille collines, à Kigali, encourageant les bons citoyens rawandais à se débarrasser des « cancrelats » (entendez les Tutsis). Où est la spontanéité ?
Dans cette vidéo, vers la fin, l'expert parle rapidement de l'intervention militaire française qui eut lieu. On le sait, elle fut nommée « Opération Turquoise ». Un remarquable rapport a été écrit à ce sujet par un officier supérieur, Patrice Sartre. Entretemps, il est devenu général. J'ai eu la chance de pouvoir le lire. A ce propos, je voudrais dire mon indignation quand je lis ou que j'entends des ignorants ou des imbéciles se plaindre d'une prétendue complicité française dans le génocide. Pas un pays de la planète n'a bougé ; seule la France a envoyé des soldats pour tâcher de limiter les dégâts.
samedi 8 avril 2023
L'Iran
Dans une association, qui a des réunions périodiques, les conférenciers volontaires traitent de sujets infiniment variés. L'un d'entre eux, qui avait fait du tourisme plusieurs fois dans ce pays, avait choisi de parler de l'Iran.
Il eut d'abord des considérations historiques. Il passa en revue les différents pouvoirs au fil des siècles. Il parla de religion. Puis des problèmes actuels. Il évoqua les rapports de l'Iran avec des pays variés, l'Irak, la Russie, l'Arabie saoudite...Il dit les rapports de l'Iran avec les Kurdes. Il parla du nucléaire. Il parla des femmes. Et, se fondant sur ses voyages touristiques en Iran, il vanta les charmes du pays, l'agrément des rencontres qu'il fit. Et pour conclure, il invita ses auditeurs à choisir cette destination pour leur prochain voyage à l'étranger.
Les auditeurs pouvaient intervenir après cet exposé assez long et apparemment informé, sérieux et objectif.Je fus le premier à intervenir pour dire à peu près ceci.
Ces informations historiques étaient certes à savoir et tout le monde ne les connaissait pas. Mais dans tout ce qui concernait les rapports de l'Iran avec d'autres pays, je n'ai pas entendu une seule fois le mot « Israël ». Je le regrette. Nous entendons à la radio comme à la télé assez souvent la nouvelle suivante : « Le Hamas a envoyé des roquettes sur telle ou telle ville israëlienne. » Or, qu'est-ce que le Hamas ? C'est une organisation terroriste financée, selon les estimations les plus sérieuses et les objectives, par l'Iran. Son objectif qui n'est pas dissimulé est la destruction de l'Etat d'Israël. Les charmes touristiques supposés de l'Iran sont de peu de poids face aux intentions incontestables de ce régime, qui a pour cible principale l'Etat hébreu. Dans les mosquées iraniennes, on maudit non seulement le prétendu « Grand Satan » américain, mais on y joint aussitôt Israël. C'est à mon avis ce que l'on doit ne pas oublier quand on parle d'Iran.
vendredi 7 avril 2023
Elle s’est rendue à une soirée, chez des jeunes de vingt ans comme elle. Elle a bu, elle a dansé, elle a discuté. Et puis, c’est arrivé très naturellement dans la conversation, ils se sont mis à faire des blagues, des plaisanteries, des rires ont fusé, des regards ironiques, “malaisants”, comme on dit, comme ils disent.
Oh ce n’est pas grand-chose, une petite plaisanterie sur l’argent. “T’es juive, c’est pour ça que t’as une montre chère, t’as ton taxi qui t’attend, tu prends pas le métro ? Et ta famille, ils habitent tous dans le 16 ?”
Elle ne savait pas s’il fallait en rire ou en pleurer, elle n’a rien dit, elle a senti ses joues rougir, elle s’est demandé un instant s’il fallait partir ou rester et se fâcher, se détendre ou défendre, dire quelque chose ou se taire, mais elle ne voulait pas ajouter du malaise au malaise, alors elle n’a rien dit lorsque les regards tournés vers elle, elle a souri bêtement, elle a détourné les yeux, et puis c’est tout. T’inquiète. Personne n’a vu que tu pleurais à l’intérieur.
Souvent, elle essuie le même genre de remarques dans sa classe. “Tu t’achètes un sandwich, t’as de l’argent…”
Lorsqu’ils ont visité le Mémorial de la Shoah, ses condisciples lui ont dit: “Ça va, la déportée ?”
Ce n’est pas bien méchant, ce n’est peut-être même pas méchant, c’est cela le pire. C’est entré dans les mœurs, dans la doxa, dans le non-dit, dans l’évidence de l’opinion publique, dans les vannes de tous les jours, dans ce que l’on dit sans même y réfléchir, c’est devenu un impensé. Les Juifs sont débrouillards, sont magouilleurs, sont tricheurs, les juifs sont voleurs, sont menteurs, ils ont le pouvoir, ils tiennent les médias, les juifs sont riches. Les filles baissent la tête, les garçons détournent le regard, tout le monde fait semblant de rien, pour ne pas que ça dégénère, pour sauver les apparences, pour fuir l’évidence, pour montrer qu’on s’en fout, que les juifs ne sont pas susceptibles en plus de tous leurs défauts, que ce n’est rien, rien qu’une idéologie qui est entrée dans la vie quotidienne, une habitude de langage, un automatisme, un habitus comme dirait Bourdieu, “l’histoire faite corps”.
Une question qu’on pose, un trait d’humour, il ne faut pas se vexer puisque dans le fond tu sais bien que c’est vrai. “Il n’y a que toi pour rentrer en taxi tard le soir quand il n’y a plus de métro, pour t’acheter un sandwich à midi, t’habiller avec des marques, vivre au centre ville, et te payer une montre à 50 euros”.
Cela ne choque plus personne, de toutes manières, depuis une dizaine d’années, l’antisémitisme bon teint va bon train, et il se développe sous forme de l’antisémitisme de socialisation, celui de tous les jours, de bon aloi, serein et patriote, taquin et polyglotte, l’antisémitisme banal, qui se dévoile sur un sourire, qui se développe entre deux bières, qui célèbre la vie et l’amitié, la tolérance, l’antiracisme et la liberté de penser.
L’antisémitisme souriant, sympathique et bienveillant, accueillant, bon enfant, l’antisémitisme qui te paye une bière et te tape dans le dos, qui te fais la bise et qui te propose un ciné, qui vient dîner chez toi et t’invite dans la maison de campagne des parents, qui te like et qui te kiffe, qui n’a rien contre toi mais en vrai les juifs ils ont plein d’argent…
L’antisémitisme de cœur, amical, fraternel, adorable : l’antisémitisme lol”.
C’est juste pour rigoler, on ne s’en étonne plus comme il y a seulement dix ans, on ne s’en choque plus, on ne se demande plus si on doit quitter ce foutu pays qui est le nôtre depuis plus longtemps qu’eux, depuis les premières siècles en vérité, les juifs a été chassés plus de dix fois, ils sont revenus, ils ont tout accepté, même l’indicible, alors pourquoi pas ce nouveau variant de l’antisémitisme, on peut bien le supporter avec grâce, courber le dos quand il passe, se vacciner pour la dixième fois et comme dans “Le pianiste” de Polanski, danser pour leur faire plaisir après leurs mauvaises blagues, l’enfouir au fond de son cœur ce judaïsme et devenir des marranes comme dit Georges Bensoussan, le ressentir chez soi, en douce, sans faire trop de bruit, ne pas crier.
Le soir elle se rend au spectacle de ceux qu’on appelle des comiques, ces stand ups hilarants qui finissent toujours par une petite blague sur la Shoah, ces calembours plein d’audace qui réjouissent toute la salle, -mais pas elle en fait, et elle ne rit pas, elles ne se lève pas pour leur faire une ovation, elle est juste glacée quelque part, une jeune fille gelée, et puis elle repart le dos courbé, et puis elle se dit… oh elle ne se dit plus rien.
Elle s’y habituera, ça fait deux mille ans – l’antisémitisme ? lol.
© Éliette Abécassis
Éliette Abécassis est une femme de lettres, réalisatrice et scénariste française.
jeudi 6 avril 2023
mercredi 5 avril 2023
Amusant !
Comme dans beaucoup de communes, le conseil municipal de Dieppe envoie périodiquement
à chaque habitant un Journal de bord. Au milieu de ce Journal, il offre à chaque groupe politique, y compris aux groupes d'opposition, une tribune.
Dans le numéro que je viens de recevoir, je lis toutes ces tribunes. Or la tribune du Rassemblement national local (pour lequel je n'ai pas voté) contient une vingtaine de fautes d'orthographe grossières (confusion entre « a » et « à », entre le singulier et le pluriel, l'infinitif et le participe passé...
La majorité municipale a bien voulu publier la tribune de ce parti politique, ...sans aller jusqu'à corriger ses fautes d'orthographe. Amusant !
mardi 4 avril 2023
TROP FORT !
Tout en faisant autre chose, au lieu d'écouter de la musique, entre dix et onze heures chaque matin, j'écoute l'émission « Avec philosophie » sur France culture. Les sujets et les invités varient.
Ce mardi 4 avril, trois universitaires sont invités pour parler de Hegel. Une des deux invitées a accompli un petit exploit. Dans la première minute de son intervention , elle a eu le toupet d'inviter les auditeurs de France culture a participer à la énième manif jeudi prochain.
Chapeau l'artiste ! Trop fort !
Lacune lexicographique
Mes 180 dictionnaires unilingues ne m'ont pas suffi, ni le dictionnaire de l'Académie (dernière éidtion),ni le grand Robert, ni le TLF, pour préciser l'adjectif, manifestement dépréciatif « papou » dans cette phrase de Colette, (« Mitsou » ,2e volume, Pléiade, p. 701) : « Il la suit , arrête un regard vague sur les coussins d'un goût papou et les faux saxes. »
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