Desipere
est juris gentium
« Rien
n’égale pour l’homme le fait de satisfaire sa vanité, et aucune
blessure n’est plus douloureuse que de la voir blessée. Cette
satisfaction de la vanité naît principalement du fait que l’on se
compare aux autres, à tout point de vue, mais surtout au point de
vue des facultés intellectuelles. […]Toutefois, en tant que joute
de deux esprits, la controverse est souvent bénéfique aux deux
parties car elle leur permet de rectifier leurs propres idées et de
se faire aussi de nouvelles opinions. Seulement, il faut que les deux
adversaires soient à peu près du même niveau en savoir et en
intelligence. Si le savoir manque à l’un, il ne comprend pas tout
et n’est pas au niveau. Si c’est l’intelligence qui lui manque,
l’irritation qu’il en concevra l’incitera à recourir à la
mauvaise foi, à la ruse et à la grossièreté.[…]
La
seule parade sûre est donc celle qu’Aristote a indiquée : ne pas
débattre avec le premier venu mais uniquement avec les gens que l’on
connaît et dont on sait qu’ils sont suffisamment raisonnables pour
ne pas débiter des absurdités et se couvrir de ridicule. Et dans le
but de s’appuyer sur des arguments fondés et non sur des sentences
sans appel ; et pour écouter les raisons de l’autre et s’y
rendre ; des gens dont on sait enfin qu’ils font grand cas de la
vérité, qu’ils aiment entendre de bonnes raisons, même de la
bouche de leur adversaire, et qu’ils ont suffisamment le sens de
l’équité pour supporter d’avoir tort quand la vérité est dans
l’autre camp. Il en résulte que sur cent personnes il s’en
trouve à peine une qui soit digne qu’on discute avec elle. Quant
aux autres, qu’on les laisse dire ce qu’elles veulent car
« Desipere est juris gentium » (C’est un droit des gens
que d'extravaguer…) »
Schopenhauer
, L’art d’avoir toujours raison, 1830 .
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