dimanche 7 juin 2020

UN PARASITE EPANOUI Le bac en poche, mes parents me dirent qu'ils ne pourraient pas payer mes études à la fac et qu'il me faudrait travailler pour les financer. J'obéis. Ce que j'ai trouvé comme boulot, fut « surveillant » (pîon, quoi). Grâce à quoi j'ai pu devenir prof. Il y a sort plus triste. J'ai « surveillé » au lycée Malherbe de Caen. Un dimanche -midi, j'étais de permanence près d'un téléphone de l'internat. Le proviseur, faisant une ronde, vint me voir et me fit parler : mes lectures, mes études, etc. J'ai parlé très aimablement un quart d'heure. Petite parenthèse. Je faisais des études de français. Lisant Rimbaud , j'avais appris une chose assez curieuse. Le jeune poète avait eu l'idée de mettre sur des feuilles des centaines de noms, des centaines d'adjectifs, et de tenter des alliances jamais faites entre ces noms et ces adjectifs. Si vous lisez Rimbaud , vous verrez que ces alliances jamais faites avant lui sont très nombreuses. Sans aucune ambition de rivaliser avec Rimbaud, je me dis que je pourrais moi aussi tenter de nouvelles alliances jamais faites. J'en ai trouvé un bon paquet. Et je me suis dit qu'après tout , sans écrire de poèmes, je pourrais ensuite, en parlant, utiliser ms trouvailles pour surprendre ou faire sourire. J'ai oublié, des décennies plus tard, toutes ces trouvailles et ne suis jamais devenu poète. Mais je me souviens d'un seule : « parasite épanoui ». Et pour cause ! En parlant à mon proviseur d'alors , je lui dis, non sans bêtise, que j'étais « un parasite épanoui ». Il n'a pas sursauté , à continué à causer, puis m'a quitté. Quelque temps après , un copain, intendant-adjoint, qui mangeait parfois le midi avec les surveillants et quelques profs, me dit : « Tu as fait parler de toi, au conseil d'administration. Le proviseur nous a dit : « Je vous signale qu'un de nos surveillants, M. Charoulet, m'a déclaré être ici « un parasite épanoui » ! Et le proviseur n'avait pas l'air content. » Je n'en ai pas mené large. Mais je ne ne fus pas viré. Au cours de ma carrière de prof , j'ai eu le temps d'apprendre que dans l'enseignement secondaire public, si l'on ne tue personne et qu'on ne viole personne, on n'est jamais viré. Mes deux surveillants généraux (maintenant on dit « CPE ») m'ont depuis lors quand même regardé d'un autre œil. Ce sont les risques des trouvailles verbales (puisées chez Rimbaud), mais  je crois aussi surtout, les risques de la...bêtise. Rien dans le citron !

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