dimanche 19 mars 2023
Pierre-André Taguieff. “Plenel, antisioniste et islamolâtre”
18 mars 2023 Tribune Juive Antisionisme 3.
“Plenel, suite et fin provisoire”
Le diabolisateur professionnel qu’est Plenel est sélectif dans ses cibles[1]. Il va jusqu’à s’apitoyer sur le cas de l’islamiste tendance frériste Tariq Ramadan, à propos duquel il affirme le 5 novembre 2017 sur BFMTV : « J’ai toujours été contre sa diabolisation, comme je suis contre, au prétexte du terrorisme, de diaboliser nos compatriotes musulmans quels qu’ils soient. » Tout le monde est diabolisable selon Plenel, sauf les musulmans, quoi qu’ils fassent – le terrorisme jihadiste se réduisant à un « prétexte » de facture « islamophobe ». Quelques jours après les massacres jihadistes commis du 7 au 9 janvier 2015 à Paris, Plenel s’associait à Tariq Ramadan pour donner une conférence à deux voix concordantes devant un public majoritairement musulman. C’était le 17 janvier 2015, à Brétigny-sur-Orge, pour la clôture de la journée de l’association APMSF (« Actions pour un monde sans frontières »). L’année suivante, du 18 au 26 avril 2016, son entreprise Mediapart a consacré une enquête en cinq volets au gourou Ramadan, présenté comme un « intellectuel contesté » et un « inclassable » traité comme un « épouvantail ». Plenel ne pouvait que communier avec le prédicateur islamiste dans sa palestinolâtrie compassionnelle. Il faut souligner que, chez Plenel, le propalestinisme inconditionnel, qu’il professe depuis le début des années 1970, est étroitement associé à son islamophilie militante. La prétendue « religion des faibles », des « pauvres » et des « opprimés[2] » lui arrache des larmes. Il ne veut pas savoir qu’elle est aussi la religion du jihad guerrier. Après avoir publié en septembre 2014 son essai militant Pour les musulmans[3], il en fait sans vergogne la promotion en janvier 2015, quelques jours après les attentats jihadistes contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Vincennes.
L’espace islamo-gauchiste existe : Plenel en est l’une des principales figures médiatiques. Il faut rappeler que sa carrière de chantre islamo-gauchiste a commencé il y a un demi-siècle, par une intervention dans le style palestino-gauchiste de l’époque. Sous son pseudonyme « Joseph Krasny », Plenel publie le 16 septembre 1972 dans l’organe de la LCR, Rouge (n° 171), un article où il appelle à « défendre inconditionnellement » le commando de tueurs de Munich (11 athlètes israéliens massacrés). Lisons-le récitant sa leçon « révolutionnaire » : « Aucun révolutionnaire ne peut se désolidariser de Septembre noir. Nous devons défendre inconditionnellement face à la répression les militants de cette organisation. (…) À Munich, la fin si tragique, selon les philistins de tous poils qui ne disent mot de l’assassinat des militants palestiniens, a été voulue et provoquée par les puissances impérialistes et particulièrement Israël. » Le jeune trotskiste et militant « anti-impérialiste » était déjà un ennemi déclaré du sionisme et d’Israël. On peut imaginer qu’aujourd’hui renaissent ses espoirs « anticolonialistes » et « anti-impérialistes » de jeunesse, devant l’apparition, en Cisjordanie, de nouveaux groupes armés palestiniens sur le modèle des commandos du Hamas et du Jihad islamique, en lutte contre « l’occupation coloniale » attribuée à « l’État d’apartheid » qu’est pour lui Israël où, comme il le répète en boucle dans ses interventions médiatiques, « l’extrême droite » est « au pouvoir ».
Le « vigilant » néo-gauchiste a remplacé la révolution prolétarienne par la délation permanente de ses ennemis, qui sont tous les représentants d’une grosse catégorie fantasmatique baptisée « le fascisme » ou « l’extrême droite », rassemblant tous les maudits. Il réduit ses ennemis à un seul et même type répulsif, défini par un ensemble de croyances et d’opinions condamnables, dont le « racisme anti-immigrés » et l’« islamophobie », qui les conduiraient tous, explicitement ou non, à professer la thèse du « Grand Remplacement ». La réduction de tous les ennemis à l’ennemi unique permet par exemple de soupçonner ou d’accuser de « racisme » un intellectuel engagé dans la lutte antiraciste mais épinglé comme ennemi par le « vigilant ». L’objectif de ce dernier est d’élever un rideau de fer entre les bons « antifas » et les méchants « fachos », entités chimériques dont il a mis en scène le grand affrontement dans son univers magique. L’amalgame polémique de style vigilantiel aboutit à une conclusion implacable : quiconque est accusé d’être « d’extrême droite », de « faire le jeu de l’extrême droite » ou de « discuter » avec l’un de ses représentants peut être accusé de croire au « Grand Remplacement », c’est-à-dire d’être « raciste » et donc de mériter une punition exemplaire. La démarche est connue : surveiller, accuser et punir. Pour le « vigilant » de métier, punir, c’est avant tout salir, exclure, ostraciser.
Dans ses discours accusatoires où il appelle à la censure, Plenel cite avec dévotion Charles Péguy, Walter Benjamin ou Hannah Arendt, qu’il ose présenter comme ses maîtres. Me vient alors à l’esprit ce fragment de Nietzsche : « Il est répugnant de voir de grands hommes révérés par des pharisiens. » Il est en effet répugnant de voir un agitateur mondain comme Plenel se réclamer, la voix tremblante, d’un Péguy ou d’un Benjamin.
© Pierre-André Taguieff
Notes
[1] Voir Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire, Paris, Fayard/Mille et une nuits, 2004, pp. 318-320, 330-335 ; id., Une France antijuive ? Regards sur la nouvelle configuration judéophobe. Antisionisme, propalestinisme, islamisme, Paris, CNRS Éditions, 2015, pp. 177-179, 306 (note 10) ; id., Liaisons dangereuses : islamo-nazisme, islamo-gauchisme, Paris, Éditions Hermann, 2021, pp. 89-91.
[2] Rappelons que le bolchevik musulman Mirsaid Sultan Galiev (1892-1940) considérait l’islam comme une « religion opprimée, acculée à la défensive » dans son article paru en décembre 1921 : « Les méthodes de propagande antireligieuse parmi les musulmans », in Alexandre Bennigsen & Chantal Lemercier-Quelquejay, Les Mouvements nationaux chez les musulmans de Russie. Le “sultangaliévisme” au Tatarstan, Paris, & La Haye, Mouton & Co, 1960, p. 228.
[3] Edwy Plenel, Pour les musulmans, Paris, La Découverte, 2014 ; puis coll. « Poche essais », 2016. Pour une critique dirimante de cet essai, voir Michel Onfray, « Pleneliser », Revue des Deux Mondes, octobre 2018, pp. 43-53.
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