vendredi 24 novembre 2023
« J’étais passionné par mes études, j’avoue même avoir été intoxiqué par le langage philosophique que je considère maintenant comme une véritable drogue. Comment ne pas se laisser griser et mystifier par l’illusion de la profondeur qu’il crée ? Traduit en langage ordinaire, un texte philosophique se vide étrangement. C’est une épreuve à laquelle il faudrait les soumettre tous. La fascination qu’exerce le langage explique à mon sens le succès de Heidegger. Manipulateur sans pareil, il possède un véritable génie verbal qu’il pousse cependant trop loin, il accorde au langage une importance vertigineuse. C’est précisément cet excès qui éveilla mes doutes, alors qu’en 1932, je lisais Sein und Zeit. La vanité d’un tel exercice me sauta aux yeux. Il m’a semblé qu’on cherchait à me duper avec des mots. Je dois remercier Heidegger d’être parvenu, par sa prodigieuse inventivité verbale, à m’ouvrir les yeux. J’ai vu tout ce qu’il fallait à tout prix éviter. »
Cioran, Entretien avec Sylvie Jaudeau (1988)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire