lundi 24 août 2020
A MES AMIS ALLERGIQUES A FACEBOOK
"Alors les amis, pendant qu'une notable partie d’entre vous n’en fichiez pas une rame, j’ai passé mon mois d’août à bosser comme un furieux (après quand même deux semaines de légitime détente en juillet), et c’est formidable.
Je m’explique. Le Traité théologico-politique (ci-dessous : TTP) de Spinoza est au programme de la très laïque et républicaine agrégation de philosophie pour l’an prochain. Comme c’est à peu près dans mon champ de compétence présumé (philosophies de l’âge classique), c’est à moi de faire ce cours pour les étudiants de l’université de Nantes qui passeront ce concours l’an prochain. Donc je suis en train de lire, relire, et rerelire ce bouquin, et d’écrire un cours dessus. Et plus je le lis, relis et rerelis, plus je trouve ça absolument génial
Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de livres dont on puisse dire qu’ils cassent en deux l’histoire de la pensée, qu’après eux ce n’est plus comme avant. C’est le cas du TTP : Spinoza invente une nouvelle façon de lire la Bible, la démarche qu’on appelle « historico-critique ». Aujourd’hui, hors quelques fondamentalistes spécialement bouchés, tout le monde reconnait la légitimité et le caractère fructueux de ce type d’approche de la Bible, et la quasi totalité des théologiens et exégètes la poussent même beaucoup plus loin que Spinoza lui-même l’a fait. Mais c’est excitant intellectuellement, et en un sens émouvant, d’étudier ainsi le texte qui inaugure l’approche de la Bible qui est aujourd’hui la nôtre.
Pour un auteur réputé athée (mais je suis de moins en moins convaincu qu’il l’était, en tout cas, des athées qui parlent aussi bien de la Bible, j'en redemande), Spinoza a des lignes magnifiques sur ce qui fait le coeur du message des Evangiles (« justice et charité ») et sur le Christ.
Le chapitre XX (le dernier) du TTP propose un plaidoyer absolument extraordinaire en faveur de la liberté de penser (spécial dédicace à Jean-Pierre Denis après ses démêlés avec Facebook cet été). Ca n’a pas pris une ride.
Après le problème c’est : comment faire cours sur un texte qui suppose autant de culture biblique face à des étudiants qui en sont, désormais, à peu près totalement dépourvus (je ne dis même pas cela comme un regret, c’est un constat : ainsi va le monde) ? C’est difficile, mais c’est aussi un beau défi pédagogique. Je prends beaucoup de plaisir à essayer de le relever
Bref, je m’éclate. Et je me dis que j’ai vraiment un chouette métier : la République me paye pour faire cours sur un texte génial qui dit des choses profondes sur la Bible. Qui dit mieux ?
Vive la République !Vive Jésus-Christ ! Vive Spinoza ! (dans cet ordre ou celui que vous voudrez…) (Denis Moreau, qui fut reçu premier à l'agrégation de philosophie en 1990 et qui est universitaire)..
Remarque : Plusieurs de mes amis refusent d'aller sur Facebook, craignant d'y rencontrer des abrutis.Il y en a. Ce texte prouve qu'on peut y faire des rencontres intéressantes. Il suffit de bien choisir ses interlocuteurs. (Patricce Charoulet)
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