DEBRAY
Régis Debray a publié un livre comparant
Stendhal à Hugo, et donnant la palme au poète.
Le Figaro lui avait accordé une pleine
page.
Finkielkraut, ce samedi 21 octobre, lui
a consacré une émission sur France Culture.
Régis Debray a redit sa préférence
pour Hugo.
Le but de la manœuvre était de
proclamer l'écrivain incarnant le mieux notre pays.
Finkielkraut tenta de proposer d'autres
noms : Proust, La Fontaine...
Debray a répondu : « Proust
est trop Jockey Club. La Fontaine est trop école secondaire. »
Ces objections m'ont paru bien
laconiques et bien contestables.
Depuis cinquante ans , je tiens pour ma
part que l'écrivain français le plus important, le plus
indispensable est La Fontaine. Sa part ne sera jamais trop grande à
l'école, au collège et au lycée.
On avait posé la même question un
jour à Mitterrand, il avait répondu : « Voltaire ».
La réponse ne m'avait pas déplu.Voltaire a lutté comme personne contre
le fanatisme religieux et contre l'injustice. Ce n'est pas rien.
Je reviens au duel Stendhal-Hugo, pour
dire que j'aime Stendhal comme on aime un ami et Régis Debray ne
me fera pas changer d'avis. Et quel maître de style que Stendhal !
Alain ne m'aurait pas démenti.
"On s'ennui en France parce que tout le monde y pense comme Voltaire", assénait Baudelaire. Beaucoup ont insisté, ces dernières années, sur l'imposture de ce négrier qui était contre l'esclavage et pleurait dans "Candide" sur "le nègre de Surinam" ("et c'est à ce prix que vous mangez du sucre en europe)", tout en se faisant du blé dans l'import-export d'hommes et de marchandises. Le précurseur de la gauche caviard en somme, qui a beaucoup de conscience, mais pas beaucoup de pratique, et de l'atlantisme anti-américain de Mitterrand, arborant sa francisque d'homme d'Etat et du "coup d'Etat permanent". Beauvoir ne rougissait pas d'être une soviétophile pétrie de culture américaine et pardonnait aux intellectuels de gauche d'avoir de l'oseille puisqu'ils avaient aussi des idéaux.
RépondreSupprimerVoltaire a fustigé lefanatisme en déformant la figure de "Mahomed" dont il trouvait superflu de rétablir la vocalisation correcte en Mohamed ou Muhamad. Je l'aime mieux en défenseur de la tolérance et en historien de l'Europe du siècle de Louis XIV. Il n'empêche qu'avec l'exploitation des "affaires" sur lesquelles il prend position (Calas et Sirven) ou des catastrophes naturelles spectaculaires comme l'enterrement de Lisbonne dont il tire argument pourfaire le procès sous cap de "l'infâme" et de son horloger, Voltaire est le premier écrivain de la diversion par le fait divers, de l'opinion par l'emballement médiatique, celui qui rend possible des passions françaises comme l'affaire Dreyfus, et à qui il suffit de dénoncer pour être conscient tout en s'en mettant plein les poches, une sorte de BHL qui ne prendrait pas la peine de voyager pour se rendrecompte sur place, même en chemise blanche, à moins d'être invité pour devenir le docteur honoris causa de la cour de Frédéric II ou de la grande Catherine. Je préfère quand le jeune Bach (carl Philipp Emanuel) travaille pour le roi de Prusse et incite son père, par émulation, à faire à son employeur une "offrande musicale". Même votre ami cioran conviendrait avec moi, si superficiel que soit ce tour d'horizon, que Bach rapproche davantage de dieu que les agitations voltairiennes tellement contemporaines.
Bernanos, dont bien malin celui qui l'a compris (pas moi en tout cas), regrettait que les fables de La fontaine servent de morale commune aux petits enfants de France, comme il déplorait que la religiosité des "poilus" de 14 se pique de passion pour la petite Thérèse, il trouvait ça un peu léger et pas assez viril. Avait-il tort,avait-il raison?Ilne devait pas y avoir, dans son esprit, de quoi se donner la discipline avec la petite Thérèse comme héroïne, ni faire le procès de ceux qui les avaient envoyés à la "boucherie héroïque" avant de devenir souples d'échine et crooneurs comme André Tardieu.
Hugo est d'un lyrisme to much et un peu kitch avec ses états d'âme et ses Etats-Unis d'Europe et Stendhal d'un pragmatisme so british et si glacial, tempéré par la latinité de ses passions italiennes insatisfaites, pas comme un Matzneff qui aurait trouvé en Italie un coin où n'être pas accusé pour son amour des "moins de seize ans", à qui il serait allé apprendre à faire des versions latines en dégustant des gelati. Stendhal est un ami un peu froid dont le carthésianisme s'écroule en chemin quand il échafaude des théories sur l'amourqui ne marchent pas. Pas le type dont on fait un écrivain culte, nous évitant le travers des passions littéraires au risque, comme le Brel des "Bourgeois", de se prendre pour Casanova et de passer sa vie à être toujours aussi saoul de soi-même et que soi-même.