HUGO ET STENDHAL (suite)
Je parcours deux « Figaro ».Ne
m'a vraiment retenu qu'une pleine page offerte à Régis Debray, interrogé
par deux journalistes. Il se livre à un parallèle entre Stendhal et
Hugo. Et, même si quelques compliments sont faits au premier,
l'entretien donne très largement la palme au second. Une phrase m'amuse : « Stendhal, ça
fait chic, Hugo, ça fait péquenot. » Certes.
A mon humble avis, on pourrait dire
exactement le contraire de ce que dit dans cet entretien Régis Debray. L'homme des tables tournantes
(il faut être dérangé!), l'homme à visions, l'auteur kilométrique et
inarrêtable, l'idole de la IIIe République, merci bien !
Debray rappelle que Stendhal fut
célébré par les écrivains de droite , « les hussards »( Nimier, Haedens, Laurent...). Forcément ! L'un d'eux proposa même une fin pour un roman inachevé de Stendhal.
Alain ne proposait pas à ses élèves
Hugo comme modèle de style, mais Stendhal. Très exactement, il
conseillait de recopier d'abord La Chartreuse, de bout en bout, pour
se faire la main.
Enfin, j'opposerai aux funérailles
nationales du grand poète, l'enterrement escamoté de Stendhal.
Dans un petit livre, Mérimée, nous
apprend qu'il y avait trois ou quatre personnes, dont lui-même.
C'est toujours l'écrivain pour
l'heureux petit nombre.
Racine, Voltaire, Stendhal. Bon trio.
Racine, Voltaire, Stendhal. Bon trio.
Ce qui n'est pas clair n'est pas
français.
Tout d'abord, cher Patrice, vous qui vous y connaissez infiniment mieux que moi, associer Racine à Voltaire, je trouve ça "couillu". J'aurais osé Voltaire et Corneille, et le Corneille du "Mysanthrope" de Molière, mais pas le janséniste et le courtisan cynique qui se prenait pour un grand tragédien. Je sais bien que le romantique et le légitimiste Hugo fit partie de la Chambre des Pairs sous l'Usurpateur.
RépondreSupprimerAlain leradical conseillait donc à ses élèves de recopier chaque jour une page de "La chartreuse" comme Stendhal disait se faire la main avec une page du Code civil. Tout de même, Fabrice del dongo et Clelia Conti, ça vaut mieux que la "gestion en bon père de famille" du fécond Cambacérès.
"Quel est le plus grand des poètes français? "Victor Hugo, hélas". Victor Hugo, le panthéiste des "Contemplations", qui devait bien valoir George Sand pour le combat spirituel, telle que Baudelaire voyait "la dame Sand" , cette bourgeoise qui ne savait pas que l'enfer existe et que "les saints vont en enfer", même s'ils ne sont pas prêtres ouvriers et que, si Dieu n'existe pas, tout est permis, et que si tout est permis, Dieu est mort, bien qu'il puisse être interdit d'interdire avant "la mort de Dieu" et avant 1968, sous la juridiction très antijuridiste de Saint Paul, qui n'était pas un déconstructeur.
Fabrice Del Dongo préférant la prison plutôt que de quitter Clelia Conti vaut bien Quasimodo, qui recueille Esmeralda désespérément comme je cherche Suzanne. Et Stendhal qui invente "l'amour de tête" par effet d'entraînement entre Julien Sorel et Mathilde de la Mole vaut bien le ménage bourgeois que Victor Hugo le grand détrousseur vécut avec Adèle, la maîtresse de Sainte-Bave, avant que le proscrit ne cache sa Juliette qui l'appelait "mon Toto" dans une maison voisine de l'exil où il dessinait tous les matins avant de châtier dans un poème "Napoléon le petit" qui n'avait pas apprécié qu'il goûtât peu la transformation de la deuxième République en second Empire par celui qui avait théorisé "l'extinction du paupérisme" et qui fit de "l'argent" jusqu'à "la curée" (Zola).
Mais qu'y faire? Stendhal était un Anglais fasciné par l'Italie. Hugo était terriblement Français. Le pragmatisme stendhalien confinait à l'impuissance relationnelle, et tant pis si je tiens "Lucien Leuwen" pour un des plus grands romans d'amour! Victor Hugo était dans l'esbrouffe du grand homme. Stendhal passa sa vie à se rendre impersonnel, sauf quand il chantait l'amour à l'italienne. C'était le côté Frédéric François du vieil Henri Beyle qui, dans "La vie d'Henri Brulard", ne peignit pas "mon père, ce héros" qui donna à boire à un soldat agonisant à qui il venait de donner l'estocade, mais un grand-père patient préceptant un petit-fils avide de savoir. Les fées ne se sont pas penchées sur le berceau de Stendhal. Hugo devait avoir un sacré tempérament. Stendhal l'impersonnel n'a pas écrit "Les Orientales".