samedi 3 septembre 2022
Onfray vu par Mme Roudinesco
"Michel Onfray, qui n’est pas historien et ignore tout des travaux produits depuis quarante ans par les véritables historiens de Freud et de la psychanalyse (des dizaines d’essais dans le monde, dont les principaux sont traduits en français), se présente pourtant comme le premier biographe de Freud capable de décrypter des légendes dorées déjà invalidées depuis des décennies. [...]"
"[...] Il traite les Juifs, inventeurs d’un monothéisme mortifère, de précurseurs des régimes totalitaires [...]."
"Car à force d’inventer des faits qui n’existent pas et de fabriquer des révélations qui n’en sont pas, l’auteur de ce brûlot hâtif et brouillon favorise la prolifération des rumeurs les plus extravagantes. [...]"
"L’ouvrage est dénué de sources et de notes bibliographiques. Il est truffé d’erreurs et traversé de rumeurs. [...]"
"Négligeant les ouvrages consacrés à Freud depuis quarante ans, Onfray se présente comme un historien sérieux, écrivant la première biographie non autorisée de Freud et laissant croire que ne sont aujourd’hui disponibles que celles d’Ernest Jones et de Peter Gay, parues, la première entre 1953 et 1957, et la deuxième en 1988. Il ne cite ni les travaux des historiens de Vienne (Schorske, Johnston, Le Rider, etc.), ni ceux consacrés à la question de la judéité de Freud (Yerushalmi, Yovel, Derrida, Gay, etc.), ni aucun des essais (des dizaines dans le monde, dont beaucoup sont traduits en français) concernant les différents aspects de la vie de Freud [...]."
"Onfray ne connaît rien à la vie de Josef Breuer, Wilhelm Fliess, Sandor Ferenczi, Otto Rank, Ernest Jones, Alfred Adler, Carl Gustav Jung, Melanie Klein, Marie Bonaparte, Lou Andreas-Salomé, Anna Freud (à propos de laquelle il cite une biographie erronée que plus personne ne lit). [...]"
"Quant à l’œuvre de Freud, traduite en 60 langues, Onfray dit en avoir pris connaissance pendant cinq mois (entre juin et décembre 2009) dans la traduction des PUF, celle qui est aujourd’hui la plus critiquée par l’ensemble des spécialistes. Il ne fait aucune référence au grand débat sur les traductions et n’a consulté aucune archive : ni à la Library of Congress de Washington, ni au Freud Museum de Londres. Il ignore le monde anglophone, germanophone et latino-américain et ne connaît guère l’histoire de la psychanalyse en France. [...]"
"Il fait donc débuter l’historiographie savante avec vingt ans de retard, tout en soulignant qu’elle est encore occultée aujourd’hui, alors même qu’elle est en pleine expansion [...]."
"Il ne fait d’ailleurs aucune différence entre histoire pieuse, histoire officielle, pensée irrationnelle, historiographie fondée sur des légendes noires et des rumeurs (courant dit 'révisionniste' ou, en anglais, 'destructeur de Freud') et histoire savante. D’où un manichéisme absolu : d’un côté les 'bons' anti-freudiens, de l’autre, les 'mauvais' adeptes d’une affabulation. Ignorant les travaux américains et ne connaissant Freud que par ce qu’il en a lu en français [...]."
"N’étant formé à aucune tradition de recherche universitaire, n’ayant aucune idée de ce qu’est l’internationalisation de la recherche en histoire, Onfray néglige la réalité du travail historiographique qui se fait dans ce domaine depuis des décennies [...]."
"Convaincu que l’Université française et l’École républicaine sont des lieux de perdition dans lesquels des professeurs assènent à des enfants des vérités officielles dictées par un État totalitaire, Onfray a entrepris une révision de l’histoire des savoirs dits 'officiels'. [...]"
"Grâce à cette méthodologie, qui rencontre un vrai succès populaire auprès d’un public fasciné par ce qu’il croit être une insurrection des consciences, Onfray a pu affirmer qu’Emmanuel Kant, philosophe allemand des Lumières, n’était qu’un précurseur d’Adolf Eichmann -- l’organisateur de la 'Solution finale' qui se voulait kantien (Le songe d’Eichmann, Galilée, 2008), que les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) sont en eux-mêmes des entreprises génocidaires, que l’évangéliste Jean est l’ancêtre d’Hitler, que Jésus préfigure Hiroshima [...]."
"À cette humanité monothéiste (juive, chrétienne, musulmane) exclusivement vouée à la haine et à la destruction, Onfray oppose une humanité athéologique, soucieuse de l’avènement d’un monde hygiéniste, paradisiaque, hédoniste : celle orchestrée par un dieu solaire et païen, entièrement habité par la pulsion de vie et dont lui, Onfray, serait le représentant sur terre avec pour mission d’inculquer à ses disciples la meilleure manière de jouir sexuellement de leur corps et du corps de leurs voisins : par la masturbation."
"[...] Onfray se montre bien décidé à faire du pénis l’objet d’un culte phallique et volcanique hérité des anciens dieux de la Grèce [...]."
"Au fil d’un enseignement fortement médiatisé, Onfray a réussi à convaincre un large public que les représentants de ce dieu païen, célébrant les vertus de la foudre, des comètes et des orages, n’ont jamais fait la guerre à quiconque et sont des pacifistes admirables. Dans cette Grèce vertueuse du bocage de Basse-Normandie, inventée par Onfray, Homère n’existe pas, ni la guerre de Troie, ni Ulysse, ni Achille, ni Zeus, ni Ouranos, ni les Titans, ni la tragédie..."
"Pour se venger de la haine que lui a inspiré sa mère, il a décidé d’attaquer celui qu’il considère comme le responsable de tous les complots contre le père : Sigmund Freud, dont on sait qu’il fut adoré par sa mère. Onfray l’avait admiré pourtant au point de le lire dès son enfance en se masturbant (Philosophie Magazine, 36, février 2010, p. 10) [...]."
"Fervent adepte du célibat, Onfray ne cesse d’affirmer son refus de la paternité : 'Les stériles volontaires aiment autant les enfants, voire plus, que les reproducteurs prolifiques [...] Qui trouve le réel assez désirable pour initier son fils ou sa fille à l’inéluctabilité de la mort, à la fausseté des relations entre les hommes, à l’intérêt qui mène le monde, à l’obligation du travail salarié ? [...] Il faudrait appeler amour cet art de transmettre pareilles vilenies à la chair de sa chair ?' (Théorie du corps amoureux (2000), LGF, 2007, p. 218-220)."
"[...] Accusant Freud d’avoir théorisé la notion de pulsion de mort et de l’avoir inscrite au cœur de l’histoire humaine, Onfray en vient à affirmer que puisque les nazis ont mené à son terme le plus barbare l’accomplissement de cette pulsion, cela signifie bien que Freud serait le précurseur de cette barbarie et aussi un représentant des anti-Lumières, animé par la 'haine de soi juive' (Crépuscule, p. 228 et 476)."
"Mais il aurait fait pire encore : en publiant, en 1939, L’homme Moïse et la religion monothéiste, c’est-à-dire en faisant de Moïse un Égyptien et du meurtre du père l’un des principes de l’avènement des sociétés humaines, il aurait assassiné le père de la Loi judaïque, favorisant ainsi l’extermination par les nazis de son propre peuple (Crépuscule, p. 226-227)."
Comment peut-on prendre au sérieux un charlot pareil ?
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire