BONHEURS D'EXPRESSION
Tout le monde a entendu parler des
Fables de La Fontaine. Beaucoup en connaissent beaucoup. On ne les
lira jamais trop. En Pléiade, les œuvres de La Fontaine sont en
deux tomes.Tome 1 : Fables et Contes. Tome 2 : Oeuvres
diverses. Les gens qui ont lu ces œuvres diverses sont peu nombreux.
Ce volume offre un avantage appréciable : il est annoté par
l'admirable Pierre Clarac, longtemps président du jury de
l'agrégation de lettres classiques.
Je recopie, sans copié-collé
possible, cette note de Pierre Clarac :
« Avant d'écrire le premier
« Adonis », La Fontaine s'était préparé au style
héroïque en lisant bien des poèmes anciens et modernes, et en
lisant la plume à la main, selon le conseil que lui avaient donné
ses maîtres de rhétorique. Il s'était ainsi constitué un
« fonds » d'expressions et de tournures heureuses. »
Quels sont les mots de La Fontaine,
dans l' Avertissement, qui précède « Adonis » ?
« Le fonds
que j'en avais fait (…) s'est presque
entièrement consumé dans l'embellissement de ce poème... »
Or, je tombe sur ceci : « L'éveil
à la littérature commence avec la révélation de l'état de
grâce qu'est le bonheur d'expression »
(Marc Fumaroli). En passant, je pense que ce très grand lettré et
remarquable esprit est un des plus estimables académiciens français
actuels.
Un ami avocat que je rencontre au café
chaque dimanche matin vers neuf neuf heures, me trouve généralement
avec un Pléiade et un cahier d'écolier. Quand il arrive après moi,
je range mon cahier et mon livre et nous devisons une bonne heure.
Dimanche dernier, il m'a posé pour la première fois depuis des
années , la question suivante : « Tu notes quoi? »
Je lui ai répondu : Depuis cinquante ans, je prends des notes
en lisant mes auteurs français dans des cahiers d'écolier. Je
relève certes, quelques citations. Mais l'essentiel de mes notes est
constitué par les bonheurs d'expression des maîtres du français La
Fontaine ne disait pas « Rabelais », il disait « Maître
François ». Idem pour Marot (« Maître Clément »)
et Voiture (« Maître Vincent »). Il ne craignait pas de
se former par la lecture de maîtres de langue. Moi qui ne suis rien,
qui ne suis arrivé à rien, qui suis demeuré le plus obscur qui
soit, je lis comme La Fontaine lisait, la plume à la main, et je
savoure et note les bonheurs d'expression.
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