mardi 16 octobre 2018



BONHEURS D'EXPRESSION

Tout le monde a entendu parler des Fables de La Fontaine. Beaucoup en connaissent beaucoup. On ne les lira jamais trop. En Pléiade, les œuvres de La Fontaine sont en deux tomes.Tome 1 : Fables et Contes. Tome 2 : Oeuvres diverses. Les gens qui ont lu ces œuvres diverses sont peu nombreux. Ce volume offre un avantage appréciable : il est annoté par l'admirable Pierre Clarac, longtemps président du jury de l'agrégation de lettres classiques.
Je recopie, sans copié-collé possible, cette note de Pierre Clarac :
« Avant d'écrire le premier « Adonis », La Fontaine s'était préparé au style héroïque en lisant bien des poèmes anciens et modernes, et en lisant la plume à la main, selon le conseil que lui avaient donné ses maîtres de rhétorique. Il s'était ainsi constitué un « fonds » d'expressions et de tournures heureuses. »
Quels sont les mots de La Fontaine, dans l' Avertissement, qui précède « Adonis » ? « Le fonds
que j'en avais fait (…) s'est presque entièrement consumé dans l'embellissement de ce poème... »

Or, je tombe sur ceci : « L'éveil à la littérature commence avec la révélation de l'état de
grâce qu'est le bonheur d'expression » (Marc Fumaroli). En passant, je pense que ce très grand lettré et remarquable esprit est un des plus estimables académiciens français actuels. 

Un ami avocat que je rencontre au café chaque dimanche matin vers neuf neuf heures, me trouve généralement avec un Pléiade et un cahier d'écolier. Quand il arrive après moi, je range mon cahier et mon livre et nous devisons une bonne heure. Dimanche dernier, il m'a posé pour la première fois depuis des années , la question suivante : « Tu notes quoi? » Je lui ai répondu : Depuis cinquante ans, je prends des notes en lisant mes auteurs français dans des cahiers d'écolier. Je relève certes, quelques citations. Mais l'essentiel de mes notes est constitué par les bonheurs d'expression des maîtres du français La Fontaine ne disait pas « Rabelais », il disait « Maître François ». Idem pour Marot (« Maître Clément ») et Voiture (« Maître Vincent »). Il ne craignait pas de se former par la lecture de maîtres de langue. Moi qui ne suis rien, qui ne suis arrivé à rien, qui suis demeuré le plus obscur qui soit, je lis comme La Fontaine lisait, la plume à la main, et je savoure et note les bonheurs d'expression.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire