Le 3 août 2008
Les jugements littéraires de La
Bruyère
A mon humble avis, La Fontaine est le
meilleur écrivain français.
J'ai un grand faible aussi pour La
Bruyère. Il a écrit, on le sait, UN livre, pendant toute sa vie :
Les Caractères. Il contient des
maximes et des portraits. Ce livre unique a moins de 500 pages.
L'édition des œuvres complètes de La
Bruyère,en Pléiade, présentée par l'excellent Julien Benda offre
aux lecteurs, après Les Caractères, des dialogues sur le quiétisme
et son discours de réception à l'Académie française. Ce discours
est intéressant à lire. L'auteur, sans les nommer, loue Segrais, La
Fontaine, Boileau, Racine, Bossuet,Fénelon. Pourquoi ai-je dit cela,
parce que chaque éloge permet de comprendre qu'il s'agit bien de ces
auteurs-là.
Pour Segrais, que peu de gens
connaissent de nos jours, on peut être surpris de lire « Il
fait des romans qui ont une fin ». C'est qu'il y avait alors
des romans, très longs, trop longs, au sentiment de La Bruyère. Il
complète d'ailleurs son jugement en disant que Segrais « bannit
le prolixe ».Grande louange aux yeux d'un prince de la maxime.
Retenons cet éloge de La
Fontaine : « Il élève les petits sujets jusqu'au
sublime. »
Si presque tout le monde approuve son
choix de Racine, je souscris entièrement au choix de Boileau,
Bossuet et Fénelon.
Ces trois auteurs doivent être lus
encore et découverts par ceux qui les ignorent. Boileau (un tome en
Pléiade) était fort respecté par Flaubert. Le mécréant Brassens
répondit un jour à quelqu'un qui lui demandait quel était le plus
meilleur écrivain français : Bossuet. Eh oui ! Un des
meilleurs assurément en tout cas. Un tome en Pléiade. Et il n'y a
pas que les sublimes oraisons funèbres.
Les oeuvres complètes de Bossuet sont
immenses ; des dizaines de milliers de pages...comme
Voltaire. On peut les explorer sur
Gallica .Bon voyage !
J'admire Bossuet.
J'aime Fénelon. Tout ce que je sais de
lui me le fait aimer. Il eut un douloureux conflit avec Bossuet.
On pourra suivre ce conflit en lisant,
sur Gallica, la correspondance Bossuet-Fénelon. Fénelon, à mon
humble avis, avait raison. Mais Bossuet avait plus de pouvoir que
Fénelon et fit plier le délicieux Fénelon.
Je préfère le cygne de Cambrai à
l'aigle de Meaux.
Pour en revenir à La Bruyère, je
signale un autre écrivain cité non dans le discours susdit mais
dans Les Caractères : le père Bouhours. Il écrit quelque part
« écrire comme Bouhours », au sens de
« écrire à la perfection ».
La Bruyère a raison. J'ai consacré deux ans de ma vie à étudier
cet auteur, dans un cadre universitaire. Bouhours, successeur de
Vaugelas, fut l'oracle de la langue française
en plein classicisme, âge d'or de
notre littérature. On n'a jamais mieux écrit, on n'écrira jamais
mieux. Un Français sur trente mille connaît son nom. Un sur cent
mille en a lu quelques lignes.
L'association des amis du P. Bouhours,
que je présiderais volontiers, avec toute l'exquise modestie qui me
caractérise, aurait dix ou douze membres.
Mais à quoi bon ?Pour sauver
quoi ?
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