vendredi 30 novembre 2018


Le 30 novembre 2018

ROUSSEAU ET LES GILETS JAUNES

Guillaume Perrault, dans « Le Figaro » du 30 novembre a eu l'excellente idée de titrer son article :
« Le leader des « gilets jaunes » ? Jean-Jacques Rousseau. »
En effet, Rousseau, dans « Le Contrat social » fait l'éloge de la démocratie directe. Or , on le sait, la démocratie directe n'existe pas, sauf, au début de certaines révolutions. Très vite, après l'euphorie de la démocratie directe, les chefs demandent la mort ou , dans le meilleur des cas, la prison, pour tous les opposants.
J'ai toujours abominé les idées politiques rousseauistes, et, la démocratie directe, en particulier.

3 commentaires:

  1. Vous êtes contre la démocratie directe, je suis archi pour. Je ne saurais donc être moins d'accord avec vous sur un sujet qui m'a toujours été cher, moi qui suis pour la démocratie directe depuis ma plus tendre enfance et qui n'ai jamais changé d'avis depuis, preuve que je dois être un imbécile, selon l'adage bien connu.

    Rousseau a toujours tenu (et en cela la tradition des Lumières ne se séparait pas de la tradition scolastique) pour l'égale dignité en droit des régimes aristocratique, monarchique et démocratique, le meilleur des régimes étant celui qui, à la fois convenait à la nature du pays considéré, du climat et et du peuple qui l'habitait, et constituait un mix heureux de tous les régimes, le plus équilibré des régimes étant, pour les philosophes des Lumières comme pour la tradition antique, la démocratie tempérée par l'aristocratie, en quoi ces philosophes se montraient opportunistes, car étant imbus de leurs chères études généralement faites dans le désordre comme Rousseau l'avoue à propos de sa formation d'autodidacte qui commença par être nourri au biberon des romans dont son père berça son enfance, ils se ménageaient un rôle de législateurs et se prenaient pour Solon.

    Mais il y a un paradoxe qui est une constante de la réputation des philosophes des Lumières: ils ont préconisé la démocratie comme le régime des petites cités et la démocratie est devenue la norme que l'Occident de tradition monarchique a voulu imposer au monde. La philosophie raffole de ce genre de contresens, qui fait par exemple du sujet, étymologiquement le plus soumis des hommes, l'individu autonome, parangon du personnalisme occidental.

    La nature contractualiste de l'Etat rousseauiste rend difficile de déterminer auxquels rares moments une démocratie effective joue un rôle dans les cités dont le citoyen ne doit pas chercher à être signataire du contrat qui le lie à tous.

    Augustin Cochin a démontré que le jeu de ppouvoir que créait la différence de savoir au sein du Tiers-Etat, comme l'élitisme des sociétés de pensée, a très vite destitué la discussion qui était censée s'être établie depuis la rédaction des cahiers de doléances au peuple au profit des Clubs comme celui des jacobins. Ces clubs firent du peuple vis-à-vis duquel ils étaient censés pratiquer une éducation populaire un enfant démocratique, c'est-à-dire littéralement un être qui n'a pas droit ou est privé de la parole. La démocratie confisquée par la tyrannie des sachants aboutit à une antienne comme celle consistant à répéter qu'il faut "faire de la pédagogie", tant le peuple est ignare.

    Les gilets jaunes font-ils acte de démocratie directe? Ils me semblent plutôt faire preuve de démocratie participative. Ils se cooptent par Internet sans qu'on puisse vérifier la régularité de la représentation qui s'ensuit, à moins qu'Internet n'instaure une nouvelle forme de régularité où s'exprime et prend parti, à la fois celui qui est le mieux outillé au risque de creuser une fracture numérique, et se sent le plus concerné.

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  2. Vous m'honorez d'un très riche commentaire et d'une réflexion très approfondie.
    Guillaume Perrault et votre serviteur, du fond de son obscurité, ne sont pas les seuls à songer au rousseauisme,à propos des Gilets jaunes. Récemment, Olivier Duhamel, professeur de droit constitutionnel bien, connu a longuement développé cette analyse, dans un débat télévisé, au grand ébahissement des autres intervenants. Les lecteurs du "Contrat social" de JJR ne doivent pas être légion. Se défier du président élu, des députés élus, des sénateurs élus, des corps intermédiaires, et prétendre être ausi légitimes qu'eux, c'est bien prôner, qu'on le sache ou non, pour la démocratie directe.

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  3. Un seul mot sur la défiance des corps intermédiaires. Macron récolte ce qu'il a semé. Il voulait être seul contre tous à imposer sa volonté à tous. Il se retrouve seul face à des manifestants qui se défient de ceux-là mêmes que leur président a défiés. Mais celui-ci réagit lâchement, non seulement en laissant le soin au premier ministre de gérer la crise en direct, ce qui après tout est conforme au rôle de fusible de ce "collaborateur" de luxe qu'est le deuxième personnage de l'exécutif, mais, quand il prend la parole, théoriquement pour répondre aux Gilets jaunes, en le faisant devant les corps intermédiaires, comme s'il se réfugiait auprès d'eux pour trouver la solution de sa propre défiance à leur endroit. Macron a donc ouvert la première brèche dans le contrat social démocrate.

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